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Samedi 1er septembre 2007
Deuxième tente estivale de l'image et de l'expression artistique:
De sable et de bobines
Sur le sable blanc de l’immense plage de Hammam-
Ghezaz, une «créature» est dressée : des yeux troués,
une bouche en dents de scie, d’énormes oreilles en caoutchouc.
Plus loin, est placé son crâne, minutieusement
peint par Mahmoud Chelbi. La «créature» est née pendant
les tentes estivales de Hammam-Ghezaz du 24 au
28 juillet à partir d’une vieille carcasse de voiture. «A
chaque fois qu’on la regarde, on plonge dans le passé.
On croit revoir, à travers ce visage boursouflé, tous les
mouvements de Abdelaziz Belgaïd Hassine , le sculpteur
tout en sueur en train de placer et déplacer des morceaux
de fer. Tous ces gestes rapides et soignés qui n’ont
cessé de nous épater tout au long de la création ne semblent
pas éteints», se rappelle Marouen Meddeb. Ce
jeune diplômé de l’Institut supérieur d’art dramatique,
membre de la FTCC Hammam-Ghezaz et organisateur
de cette manifestation, a suivi la fabrication de cette
sculpture, depuis le choix de la carcasse de la voiture
jusqu’à la peinture finale. Avec son appareil photo, il
fige chaque instant pour mieux le mémoriser. On revoit
en détail comment le sculpteur, avec l’aide des
jeunes de la région, a décapoté la carcasse, l’a dressée
en haut d’une dune de sable, l’a brûlée en prenant soin
de tout calciner… «C’était vraiment excitant», se rappelle
Meddeb. Après un mois de l’évènement, son regard
est toujours pétillant de plaisir. Son large sourire
est toujours esquissé sur son visage comme s’il refusait
de se dissiper. Tout sur cette plage rappelle la frénésie
de ces nuits cinématographiques et musicales encore
flamboyantes dans le coeur des jeunes de la région.
«Made in
Hammam-Ghezaz»
Avec l’aide financière de Aitech, de l’association Acdr
et du commissariat régional à la culture de Nabeul,
avec le soutien inconditionnel de ses amis Borhane Ben
Houria, Wajdi Guaïdi, Yasser Jradi, Mohamed Bhar
ainsi que de celui de tous les membres du club des cinéastes
amateurs et bien sûr les bénévoles, Marouen
Meddeb a pu organiser cette session. «On a créé notre
festival sans fard ni fanfare, avec seulement un grand
rêve et des moyens modestes. On voulait créer l’événement
à notre manière».
La réclame s’est faite «à dos d’âne». Les artistes entassés
sur la charrette traversent les ruelles de la ville.
Derrière eux, des acrobates jouant de leurs corps comme
des rubans sinusoïdaux. «Chaque soir, on partait ainsi
à la conquête du public. Et l’on tient à ramener le plus
grand nombre possible de spectateurs à la plage, située
à quelques kilomètres de la ville».
L’écran géant “made in Hammam-Ghezaz”» a été
monté en face de ce public assis à même le sol. Un hommage
au réalisateur africain Osmane Sembène, ensuite16
films et 13 courts métrages de l’Unica y sont
projetés. Chaque soir, on alterne musique, cinéma,
théâtre, exposition et table ronde.
Il suffit de peu
de chose…
«Tous les artistes, de différentes disciplines, se sont
pliés en quatre pour donner le meilleur d’eux-mêmes.
Ils ont cru à notre noble cause. Et c’est ça l’essentiel!»,
ajoute encore Marouen Meddeb. Plusieurs artistes ont
répondu présent à l’invitation de ces jeunes membres
de la FTCC de Hammam-Ghezaz parce qu’ils voulaient
partager avec un public inconnu la magie de l’art. Ils
sont venus camper dans cette plage pour vivre en plein
ce rêve doré par les grains de sable.
«Il suffit de peu de chose pour réaliser les grands événements
», explique l’organisateur. Il fait de cette phrase
une devise à laquelle il croit fermement. Marouen Meddeb
est un amoureux fou du 7e art. Il a réalisé, en 1999,
son premier court-métrage Légende de plumes qui recevra
une mention spéciale du jury lors du Festival international
du film amateur de Kélibia... Son film, il
l’a mis en boîte en empruntant une caméra au club des
cinéastes amateurs de Tunis. Il a acheté ensuite une
baguette et trois portions de fromage et est parti, en
compagnie d’un pote, à son paradis, Hammam-Ghezaz,
filmer quelque part, sur une colline.
La mer et le sable avaient pour lui une signification
particulière. Il savait que cet endroit est propice à la
création.
Il savait que la plage de Hammam-Ghezaz pourrait
être le coin idéal pour la concrétisation d’un grand
festival dédié aux arts.
Et aujourd’hui, il est heureux parce qu’il se rapproche
un peu plus de son rêve.
Héla HAZGUI
La Presse Magazine
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